« Incroyable Horace » de Christophe Ruaults – La claque qui dérange

Il est à la fois délicieux et terrible de tomber amoureux des personnages fictifs qui rythment notre vie et nos hobbies. Et ce, peu importe le loisir ! Films, BD, livres ou mêmes jeux-vidéos, nous avons tous vécu des coups de cœur pour des figures, connues ou non, de la pop culture, ou de la culture dans sa globalité.

Oui, c’est un bonheur car nous avons l’impression de vivre quelque chose d’unique que notre vie quotidienne ne nous apporte pas. Nous sommes fascinés par leur vie, leurs opinion,s leur physique. Ils font chavirer notre imaginaire, ils font battre notre cœur… Et pourtant ils n’existent pas. Et là, c’est la désillusion totale, le désespoir de ne jamais rencontrer quelqu’un qui fera pareillement vivre nos sens, qui nous apportera cette bouffée d’oxygène que notre entourage ne peut pas forcément nous procurer.

Aujourd’hui, je vous parle d’un coup de cœur comme j’en ai rarement eu. Non seulement littéraire, pour le livre en lui-même, mais également pour son personnage. Aujourd’hui, laissez-moi vous présenter Horace.

"Incroyable Horace" de Christophe RuaultsHorace Bertholet a tout pour être heureux : marié depuis 18 ans avec la présentatrice vedette du 20 heures de TV1, il habite un très bel appartement à Paris, possède une résidence secondaire au Cap Ferret et passe ses vacances à l’Ile Maurice ou à Courchevel… Mais il étouffe! Ce professeur d’histoire-géo est fatigué de vivre dans l’ombre de cette working girl de l’info, ambitieuse et conquérante. Il ne reconnaît plus la femme qu’il a aimée, la jeune journaliste qui s’est laissée corrompre par le pouvoir et la notoriété. Il ne se sent plus à sa place dans ces soirées où le gratin politico-médiatique s’adonne aux délices de l’entre-soi. Horace bouillonne. Son naturel calme et mesuré se disloque à grande vitesse et son comportement devient de plus en plus imprévisible. Au point de commettre, sur la route des vacances, un acte qui va bouleverser le cours de son existence. Pour Horace, rien ne sera plus jamais comme avant.

 

Mon avis

Des années qu’il traîne dans ma bibliothèque. Il fait partie de mes premiers achats lorsque je me suis inscrite à France Loisirs. Je ne savais pas trop quoi choisir parmi leur catalogue, celui-ci me paraissait prometteur avec cette histoire de changement brutal dans la vie de son protagoniste. Et je n’ai pas été déçue.

Si vous allez sur Babelio, vous verrez dans les critiques que la plupart des lecteurs l’ont trouvé drôle, un peu décalé, comique, divertissant, mais n’en garderont pas un souvenir transcendant. Alors pourquoi, moi, ce livre m’a-t-il émue aux larmes ? Car oui, aussitôt la dernière phrase lue, la boule dans la gorge que j’avais depuis déjà une dizaine de pages a explosé, et j’ai éclaté en sanglots en serrant fort l’ouvrage contre moi (ne vous moquez pas, cela fait partie des moments les plus magiques de la lecture après-tout, non ? :)).

Je suis actuellement dans une phase de ma vie où je rêve de changement. Partir vers l’inconnu. Louer un chalet en pleine montagne pour une durée indéterminée, avoir un chien, me mettre aux travaux manuels, vivre de mes ressources, laisser tout tomber pendant un temps, un peu comme Sylvain Tesson dans son fameux « Dans les forêts de Sibérie » (pssst, la critique est par ici). Le fait que je ne parte pas en vacances cette année doit beaucoup jouer à mon envie de voir du sauvage, du nouveau, et de bousculer ma petite vie.

Oui mais voilà, comme beaucoup de citadines ayant envie de bouger, eh bien je ne le fais pas parce que… J’ai la trouille. De me planter, de quitter mes amis, ma vie à Paris, mon travail. BREF ! Je vis ces voyages par procuration, à travers les livres et YouTube, et je garde une immense frustration de tout cela.

Et puis j’ai rencontré Horace, dont je suis tombée amoureuse. Pour ses convictions, son caractère, sa façon de penser. Et il m’a donné la claque qui dérange. Condamné à une vie qu’il a laissée l’étouffer pendant près de quinze ans, aux côtés d’une femme égocentrique, hypocrite et snob qui ne fait plus attention à lui et de ses deux enfants qui ont plus de relation avec leur smartphone qu’avec lui, dans un travail qui ne lui plaît pas, il se cherche. Pourquoi subit-il tout cela ? Le confort apporté par la notoriété de sa femme, certes, c’était bien au début, mais est-ce vraiment ce qu’il désire aujourd’hui ? Et pourquoi a-t-il abandonné son rêve de devenir menuisier, pour faire plaisir à ses parents et devenir un professeur fade et sans passion ?

La vie à Paris lui pèse… Tous ces gens égoïstes, capricieux, perchés si loin de la réalité… Mais à quel moment a-t-il laissé tomber ce qu’il était au profit de cette vie sans goût où tout est basé sur le paraître ? Crise de la quarantaine, crise existentielle ou simplement illumination, Horace pète un câble. Il achète un chien, un doux rêve qu’il a toujours caressé de loin depuis ces quinze années de mariage castrateur. Il renverse une poubelle sur la tête d’une femme qui avait jeté son paquet de cigarettes vide à travers la fenêtre de sa voiture, il sabote inconsciemment les dîners mondains de sa femme et… il quitte sa famille sur une aire d’autoroute sur la route des vacances dans la région très cotée du Cap Ferret parmi les mêmes snobs qu’il croise à Paris toute l’année. Horace veut se retrouver.

C’est alors un voyage initiatique pour lui. Accompagné de son chien, Wolverine, il prend le temps. Et c’est ça, qui nous manque ! Il se fiche du reste. Anciennes amitiés, famille, nature, montagne et rêves de gosse… il va tout re-visiter. Et se retrouver. Et c’est pour cela que ce livre m’a tant parlé. Tout cela avec une plume extrêmement fluide et un humour touchant. C’est un roman doudou que j’ai adoré garder avec moi, un peu comme Fangirl (pssst, ma chronique ici, oui je fais beaucoup de pub).

Alors c’est quoi, cette claque qui dérange ?

Il m’a un peu sorti la tête de mon trou d’autruche en me confirmant que, non, nous ne sommes pas forcément faits pour la vie que nous menons, que nous ne sommes pas obligés de nous y complaire et que nous devons nous bouger pour obtenir ce que nous voulons. Et je vous le rappelle, moi, j’ai la trouille de bouger.

Bon après, cela reste une histoire ! On n’a pas tous les moyens de tout plaquer pour partir mener la vie dont on a toujours rêvé, et nous ne sommes pas garantis que cela va marcher ! Mais j’ai aimé à me dire que cela est possible. A une période où je pense chaque jour, avec douleur, à mon rêve de vie que je pense irréalisable, cela m’a fait du bien de me dire qu’un jour, peut-être, j’y arriverai. Que je n’ai que 26 ans, et que je ne suis pas forcément emprisonnée à vie dans un carcan qui n’est pas le mien, et qu’un jour, je pourrai mener une vie à mon image.

Aujourd’hui, « Incroyable Horace » rejoint la liste très sélective des livres que je relierai sans la moindre crainte d’être déçue lors d’une seconde lecture.

Merci Horace, pour la claque. Et merci Christophe Ruaults pour ce petit roman sans prétention, un divertissement pour la plupart, mais un ouragan pour moi.

Durant un dîner mondain

Comme les rideaux de la fenêtre n’étaient tirés qu’à moitié, il pouvait entrevoir la femme qui s’y trouvait, approximativement une trentaine d’années, habillée d’un tee-shirt et d’un pantalon de jogging. Elle était assise sur un sofa, adossée à l’accoudoir et lisait un livre, les jambes repliées contre elles. Dans une main, elle tenait une tasse. La lumière était d’un jaune apaisant. Au pied du sofa, roulé en boule, un labrador sable dormait. Son envie d’avoir un chien revint démanger Horace. […]. Il aurait donné cher pour échanger en cet instant sa place avec celle de cette femme, voire avec celle du labrador. Pour un peu, il serait allé leur demander l’asile provisoire. Ils avaient, ce soir un bien inestimable qu’il leur enviait, la tranquillité .Ils n’avaient à supporter aucun écrivain à succès, aucun avocat préposé aux fusions-acquisitions, aucun Jérémie Castan. Eux, ils n’étaient pas mariés à la présentatrice vedette du 20 heures, qui les avait tous conviés à sa table, qui avait dévoré la femme qu’il avait aimée – qu’il espérait aimer encore.


En s’avançant dans le lit de la rivière, il sentit l’eau froide à travers sa combinaison en néoprène. Après quelques mètres, il s’arrêta et ferma les yeux. Le bruit de l’eau, le cri d’un oiseau, la brise sur son visage lui procurèrent un formidable sentiment d’apaisement, fulgurant, presque enivrant. Il aurait voulu rester là et ressentir cette plénitude jusqu’à la fin de ses jours, se figer sur place pour devenir un élément du décor.

Sa fiche Livraddict

Ma note : 20/20

13 réflexions sur “« Incroyable Horace » de Christophe Ruaults – La claque qui dérange

  1. Honnêtement, je ne suis pas certaine que ça soit un livre pour moi.
    Cependant, ta chronique est réellement émouvante et je comprends sans peine ce qui a pu te séduire dans ce livre.
    Un jour, peut-être, arrivera-t-il également entre mes mains. 😉

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  2. Je vais rarement dans les grandes villes sauf si mon boulot m’y oblige et chaque fois je me pose la question « Mais comment peut-on y vivre ? » Je m’imagine que ce genre de pétage de plombs (en moins tonitruant sans doute) doit arriver souvent… carpe diem, comme dirait l’autre… 😉

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  3. C’est beau de voir que ce livre feel-good t’as ouvert les horizons. Pour ma part, j’ai décidé de m’essayer au jardinage. R’habiter mes mains. Peut-être il y a quelque chose du genre que tu peux faire?

    p.s. je suis nouvelle, enchantéee!

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  4. Ta chronique est vraiment pleine d’émotion! A travers tes mots on comprend tellement ce que t’a procuré ce roman, à quelle point il t’a touché et surtout aidé par rapport à ta vie personnelle. Je pense qu’il y a des livres comme ça qu’il faut lire au bon moment pour les apprécier vraiment 🙂

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  5. Je plussoie entièrement le premier paragraphe de ton article (je ne connais que trop ce genre d’expérience) et je te rejoins également au sujet de cette envie de sortir de sa zone de confort tout en restant très effrayée de ce qu’on pourrait trouver au-dehors. D’ailleurs, la fiction nourrit cet idéal de vie, l’écriture aussi, et c’est au creux des bras de ces mondes si éloignés du nôtre que l’on tend à se réfugier pour mieux rêver d’un Ailleurs, d’une autre existence, d’une autre aventure. Et pourtant, l’aventure n’est pas si loin quand on sait où la trouver. Pas besoin d’aller à l’autre bout du monde. J’ai réalisé que ne serait-ce que prendre en main son destin (clin d’œil à La Planète au Trésor) était déjà une belle aventure à mener.
    Quoi qu’il en soit, si jamais le besoin se fait sentir en ton cœur, tout comme Horace, de prendre ton envol, écoute-le 🙂

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    1. Je suis complètement d’accord avec toi. Mais si c’était aussi simple. Prendre sa vie en main c’est déjà fait, je la gère plutôt bien, c’est d’autre chose dont j’ai envie. Mais je sens que, seule, je ne passerai jamais le cap.

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